On passe nos trois derniers jours au Pérou dans la région de Puno et du lac Titicaca. On avait assez hâte d'arriver ici, région qui génère pas mal de fantasmes. C'est le lac navigable le plus haut du monde, à près de 4000 mètres, et le dixième plus grand lac du monde. Plus de 160 km de long, plus de 60 km de large, c'est une véritable mer intérieure que se partagent le Pérou et la Bolivie ! Depuis Puno on ne s'en rend pas vraiment compte car deux péninsules enferment la ville dans une baie, mais un tour en bateau permet de mieux l'appréhender. On ne s'éternise donc pas à Puno même mais on part pour deux jours d'excursion sur le lac. On commence par la découverte des îles Uros, du nom du peuple qui les habite. Il s'agit d'îles flottantes faites de roseaux. C'est original mais cette singularité s'explique : le peuple Uros a fait ce choix d'îles mobiles en roseaux au moment de la conquête espagnole pour préserver son identité culturelle. Avant cela, ils vivaient sur le continent. Aujourd'hui, 1200 personnes vivent sur 120 îles flottantes. On ne passe qu'une heure sur une de ces îles et il est bien difficile de prendre la mesure de ce que peut être la vie quotidienne ici. Le confort est sommaire, des panneaux solaires permettent d'avoir accès à un peu d'électricité. Les communautés vivent de l'artisanat, du tourisme, et font du troc pour certains produits. Sur l'île qu'on a pu visiter vit une dizaine de personnes, une famille avec les grands-parents, les enfants, les petits-enfants (donc des triplés de 5 mois). On reprend ensuite le bateau pour se rendre sur une île non-artificielle et bien plus grande : l'île Amantani où vivent 4000 personnes. Cette île présente de nombreuses terrasses qui datent du temps pré-inca puisqu'on les doit au peuple Pukara qui vivait déjà là 200 ans avant JC. On est là hébergé dans une famille, Simon et Paula pour une nuit. Difficile de créer du lien fort en si peu de temps mais on aura beaucoup échangé avec Simon sur leurs conditions de vie. Simon et Paula sont nés sur cette île et ne l'ont jamais quitté, comme la plupart des habitants. Ils ont un fils de 34 ans qui vit également sur l'île, un peu plus loin. On trouve à Amantani une école jusqu'au collège, un hôpital et quelques petites tiendas, certaines pour les touristes, d'autres pour les locaux, mais pas de connexion internet. Tout le monde ne peut pas venir s'installer ici. Si on n'est pas né sur l'île, il faut se marier avec un.e habitant.e pour pouvoir s'y établir. 10 communautés au total vivent à Amantani et le tourisme est leur unique source de revenus. Sur un système de rotation, chaque communauté prend son tour pour héberger les touristes (qui viennent ici depuis plus de 20 ans). Le reste du temps, les gens travaillent la terre mais uniquement pour leur consommation personnelle. Toute la population a énormément souffert de la pandémie puis de la crise sociale et politique qui a frappé le Pérou fin 2022 début 2023. Cela fait seulement un mois que les touristes sont de retour. Il existe un tel décalage entre nos vies et la leur qu'une journée n'est évidemment pas suffisante pour appréhender la vie à l'année ici. Mais l'échange est vraiment bienveillant et très instructif. On profite aussi de notre séjour pour explorer un peu l'île, et notamment deux temples pré-inca qui culminent à plus de 4100 mètres d'altitude et d'où on admire le coucher de soleil sur le lac Titicaca. Un moment magique ! De retour à la maison, on partage le dîner avec nos hôtes avant une petite fête organisée pour les touristes pour nous faire découvrir les coutumes locales. On nous prête pour l'occasion des tenues traditionnelles. Un groupe de musique joue plusieurs morceaux et on danse tous ensemble dans une salle commune. On n'aime pas trop ce moment un peu forcé, ce temps créé pour nous mais qui n'a pas vraiment de sens pour les locaux. En rentrant à la maison, on est émerveillé par le ciel étoilé sans aucune pollution lumineuse. On n'en a jamais vu d'aussi beau ! Le spectacle sera encore plus grandiose quand on se lèvera vers 2 heures du matin pour aller aux toilettes (à l'extérieur de la chambre). On distingue tellement nettement la Voie Lactée qu'on pourrait rester là des heures s'il ne faisait pas si froid (on est en plein hiver à plus de 4000 mètres d'altitude, il fait moins de zéro !). Le matin après le petit-déjeuner on dit au revoir à notre famille d'un jour pour reprendre le bateau en direction de Taquile, une autre île du lac. Moins peuplée (2500 habitants), elle est inscrite depuis 2005 au patrimoine mondial de l'Unesco pour son artisanat. Que ce soit ici ou à Amantani, on a l'impression de faire un bond en arrière de plusieurs décennies. Sur la place centrale de l'île nous attend un petit groupe de musiciens qui nous joue un morceau traditionnel. Là encore, le moment sonne faux à nos yeux. Certains touristes se croient au zoo et manquent clairement de respect aux locaux. On finit l'excursion par un bon repas avec une vue superbe sur le Titicaca avant de reprendre le bateau pour Puno. On passe ici notre dernière nuit au Pérou après plus d'un mois de découverte autour d'un bon repas chifa (fusion de cuisine chinoise et péruvienne). Ici aussi, on aurait aimé rester plus tant le pays a à offrir. On aurait aimé rester plus pour échanger davantage avec les habitants, mieux s'imprégner de la culture. Mais le temps passe et il nous faut continuer notre route. Dès demain, on découvrira notre quatrième pays du voyage : la Bolivie.