On avait décidé depuis un bon moment déjà de se poser un assez longuement dans un lieu calme avant de quitter le continent. Un peu par hasard, en regardant la carte du Chili, notre dévolu s'est jeté sur la Valle del Elqui, dont on ignorait évidemment l'existence avant d'arriver en Amérique du Sud. Quand on pensait au Chili depuis l'Europe, on avait en tête les noms de San Pedro de Atacama, Valparaiso, Santiago et de la Patagonie évidemment. Finalement, le timing du voyage et l'hiver bien installé nous ont fait renoncé au sud de cet immense pays, et on a donc cherché des points d'intérêts plutôt au Nord de Santiago. Cette escale prolongée (on aura au total passé 6 nuits) dans la Valle del Elqui restera pour nous un des meilleurs moments du voyage.

Depuis la Serena, on s'enfonce sur une centaine de kilomètres dans les terres pour passer une nouvelle fois au dessus des 1000 mètres d'altitude. En chemin, la végétation change rapidement pour devenir plus aride, plus sèche. La vallée, réputée pour ses vignes à partir desquelles on produit le pisco, est entourée de montagnes rocailleuses où presque rien ne pousse. La route est sublime et nous mène jusqu'au village de Pisco Elqui, d'où l'on va rayonner. On se rend directement à notre auberge, dans une petite rue tranquille tout à côté de la place principale. Nous sommes accueillis par Yayo, qui gère l'hostel Triskel depuis presque 20 ans. L'hébergement est petit (seulement 6 chambres) et plein de charme, surtout en extérieur. Le jardin regorge de petits recoins qui donnent tous envie de se poser, de flâner, tantôt dans des hamacs, tantôt autour d'une petite table à l'ombre d'arbres fruitiers. On se projette très bien dans cet environnement ! Petite cerise sur le gâteau : comme nous sommes en basse saison, nous allons pouvoir jouir de ce lieu pour nous seuls puisque nous serons (à l'exception de la première nuit) les seuls voyageurs à poser nos sacs chez Yayo pendant tout notre séjour.

On passe nos deux premiers jours à profiter des lieux. On lit, on passe quelques appels, on prend du temps en cuisine. On ralentit, encore une fois. On s'aventure quand même un peu en dehors de l'auberge, en déambulant dans ce petit village qu'est Pisco Elqui ou en prenant un peu de hauteur sur les montagnes alentours. On pousse également jusqu'à la pisquera Dona Josefa, qui produit le fameux pisco, dont le Pérou et le Chili se disputent l'origine. On ne saurait prendre position dans cette querelle, mais factuellement on se doit de dire que les premières vignes européennes sont arrivées au Pérou. Pour rappel, le pisco est donc une eau de vie de raisin, très utilisée en cocktails. La récolte du raisin a lieu en février-mars, les vignes sont donc entièrement nues lors de notre passage. On finit la visite par une dégustation de différentes productions de la distillerie et c'est pour nous l'occasion de se rendre compte que le goût est totalement différent de ce qu'on avait pu goûter au Pérou. Le pisco, que l'on goûte pur, nous semble beaucoup plus doux que celui de son voisin du Nord (on reste quand même entre 40 et 46 degrés d'alcool).

Après avoir profité des environs proches du village, on s'éloigne un peu plus pour aller découvrir Vicuna, la plus grande ville de la Valle del Elqui (elle ne dépasse pas les 15 000 habitants). L'échelle est donc différente par rapport à Pisco Elqui mais le charme est bien là pour autant. Comme partout en Amérique du Sud, la ville s'organise autour d'une belle place centrale, ici très arborée. On profite de notre passage pour renouer avec la culture en faisait notre premier musée depuis un petit moment. Celui-ci est consacré à Gabriela Mistral, poétesse native de Vicuna et Prix Nobel de littérature en 1945. C'est une personne importante au Chili, qui a été de son vivant ambassadrice du pays dans de nombreuses villes d'Europe et d'Amérique du Sud. Elle a eu une vie fascinante et la visite du musée nous donne envie de se plonger dans sa poésie à notre retour. On la retrouve aujourd'hui encore sur les billets de 5000 pesos. Malgré son importance, elle n'a pas à l'étranger la même notoriété que l'autre Prix Nobel du pays, Pablo Neruda.

Après la visite, on flâne encore un peu dans les rues de Vicuna avant de reprendre un bus en direction de Pisco Elqui. On s'arrête cependant en chemin à Diaguitas, un autre petit village de la vallée. Là encore, le lieu est plein de charme, avec des façades très colorées, de belles peintures murales et un calme qui fait rêver. Une grande douceur de vivre émane de toute la région. L'arrêt à Diaguitas n'était pas anodin : c'est ici qu'est basée la cerveceria Guayacan, une brasserie artisanale tres réputée au Chili qu'on avait très envie de découvrir. Le lieu est très convivial, une ambiance musicale est assurée par des artistes locaux, la bière est très bonne et la nourriture tout autant ! On n'est pas déçus de notre passage. En milieu d'après-midi, on retourne chez nous pour profiter de la fin de journée. La région est également très prisée pour l'observation astronomique. La valle del Elqui jouit en effet de plus de 300 nuits dégagés à l'année et la pollution lumineuse y est quasi inexistante. On ne fera pas cette fois ci d'activité d'observation avec guide et télescope mais on profitera tous les soirs depuis notre petit coin de paradis de ce beau spectacle.

Pour finir notre séjour, on ajoute une petite touche "sportive" en louant des vélos pour découvrir d'autres petits villages de la vallée. On se rend jusqu'à Horcón, réputé ici pour son artisanat (malheureusement tout est fermé le jour de notre excursion) puis jusqu'à Alcohuaz où la route goudronnée s'arrête. Si ça monte pas mal à l'aller et qu'on sollicite un peu nos cuisses et nos mollets qui avaient oublié le goût de l'effort, on se régale au retour en se laissant porter par les pentes descendantes. Pour notre dernière soirée, on sort prendre un verre dans le village, dans une succursale de la cerveceria Guayacan. Un dernier bon moment dans cette région coup de coeur avant de la quitter le lendemain matin.

On a découvert la Valle del Elqui au moment où on en avait besoin. Le lieu s'est avéré en parfaite adéquation avec ce qu'on ressentait, avec ce qu'on recherchait pour "conclure" ce voyage (il nous reste encore une semaine). On avait besoin de temps et de tranquillité pour faire une sorte de bilan, pour assimiler tout ce qu'on avait vécu ces six derniers mois. On l'a trouvé à Pisco Elqui. On aurait presque voulu que le Chili s'arrête après ça tant cette pause nous a paru la fin parfaite au voyage. On s'avance donc vers Valparaiso partagés entre l'excitation de la découverte d'un lieu qu'on a longtemps attendu et la tristesse de retourner dans la foule et les grandes villes après cette parenthèse hors du temps.