Si on fait escale deux nuits à Antofagasta, grande ville côtière er grand port du Chili mais sans intérêt particulier, c'est pour aller visiter un ancienne mine de salpêtre. Au XXieme siècle, le salpêtre était une ressource naturelle majeure pour la région (où on trouve également beaucoup de cuivre et de lithium). C'est en partie ce qui a conduit à la guerre du Pacifique entre 1879 et 1883, de laquelle le Chili sort vainqueur et s'approprie la zone aux dépens du Pérou et surtout de la Bolivie (qui perd là son accès à l'océan Pacifique). À cette époque donc, une bonne partie de l'économie du Chili dépendait du salpêtre et de nombreuses exploitations ont été construites dans le désert d'Atacama. Elles sont devenues obsolètes au début du XXieme siècle avec la création du salpêtre synthétique. On leur doit malgré tout la naissance du syndicalisme au Chili et le début de luttes sociales pour de bonnes conditions de vie et de travail. 

C'est pourtant entre 1922 et 1924 que le site qu'on a visité, Chacabuco, a été construit. Exploité par une compagnie anglaise, il réunissait entre 5000 et 7000 personnes dans une ville totalement dédiée au salpêtre. On y retrouve une école, un théâtre, un hôpital avec maternité, un bar, une place centrale, une église, des hôtels pour la venue des visiteurs, toute la partie industrielle évidemment et deux quartiers bien distincts : celui des administrateurs (européens) et celui des travailleurs (chilien). Dans le quartier des administrateurs, on retrouve les plus belles maisons avec de beaux volumes, des terrains de tennis en extérieur, un espace saloon et une vue sur la production industrielle. Les maisons des travailleurs sont plus petites mais de tailles très variées selon différents critères : emploi, statut social, nombre de personnes dans le foyer, etc. Ainsi certaines maisons avaient une salle de bain et un petit balcon quand d'autres ne proposaient qu'une pièce avec un petite cuisine. Le site a cessé d'opérer en 1938 mais tout avait été gardé intact à l'époque, les exploitants espérant une réouverture dans les années à venir. 

Chacabuco, comme d'autres anciennes usines de salpêtre (une seule est encore opérationnelle aujourd'hui, celle de Maria Elena plus au nord), a connu une deuxième vie bien plus sombre au début des années 1970. Le site a en effet été choisi par le régime de Pinochet après son coup d'état pour devenir un camp de prisonniers politiques. Près de 1500 hommes ont été détenus ici entre 1973 et 1974. Si aucun n'est mort, c'est du fait de la "clémence" du militaire en charge du site, qui n'était pas aussi extrémiste que Pinochet en termes de torture. Les sites alentours n'ont pas connu le même destin. À Chacabuco, on pratiquait tout de même la torture psychologique (réveil en pleine nuit, des heures sans bouger sous le soleil, etc.). On fait la visite avec un guide et un troisième visiteur, un Chilien, dont le papa a été prisonnier politique pendant 8 mois ici avant d'être finalement libéré. 


Sur la route entre Chacabuco et Antofagasta, on a fait un arrêt par Baquedano. Cette petite ville était à la grande époque du salpêtre le cœur ferroviaire névralgique de la région. Aujourd'hui il n'en reste qu'une belle gare de triage et quelques vieux wagons et locomotives. Le réseau transportait à l'époque aussi bien les marchandises que les personnes. Aujourd'hui, des voies de chemin de fer existent encore pour faire transiter cuivre, sel, lithium ou encore acide sulfurique entre le Chili, l'Argentine et la Bolivie.