Après une petite nuit, le réveil sonne à 3h30 jeudi matin ! La Jeep de l'agence vient nous récupérer à 4h15 à l'auberge, on fait le tour de la ville pour récupérer nos compagnons d'aventure et on se met en route pour l'entrée du parc Los Nevados. Il nous faudra 4 heures (!) pour rejoindre notre point d'entrée. On a quitté Manizales à 2000 mètres d'altitude, nous voilà à 3800 mètres. Le temps pour notre guide de se soustraire aux obligations administratives, on se met en route après 9h pour notre première journée de marche. Au programme : 18 km jusqu'à la finca Berlin où on passera notre première nuit. Les premiers kilomètres se font sous le soleil et ne sont pas trop exigeants ce qui nous permet de bien faire connaissance avec nos camarades de jeu : Corentin, Louise, Henrik, Paul et Pablo, notre guide. On marche à bon rythme avec de très beaux points de vue jusqu'à la laguna Otún, alimentée par les eaux de fonte du Santa Isabel, un des 14 volcans du parc. On rentre ensuite pleinement dans le paramo, cet écosystème typique d'Amérique du Sud qu'on avait déjà croisé à El Cocuy et à Mongui. Sa caractéristique principale est le frailejon, cette plante qui fait penser au cactus et qui doit son nom à la coiffure des moines (fraile = moine). On en est fan et on se régale à randonner dans cet environnement ! Notre guide Pablo arpente ces sentiers depuis plus de 20 ans et nous fournit énormément d'anecdotes et d'informations sur le frailejon. Il nous raconte notamment comment Simon Bolivar a vaincu les Espagnols en leur tendant un piège en habillant les plantes, qui de loin peuvent avoir une allure d'hommes, d'habits de soldats. Les troupes coloniales ont ainsi déchargé toutes leurs munitions sur les pauvres frailejones et se sont fait prendre en embuscade quand ils se sont approchés pour constater leur supposée victoire. Dans un tout autre registre, il nous apprend aussi comment il a appris le français quand il était petit grâce à la chanson de Jordi : dur dur d'être un bébé. Assez improbable !

En fin de matinée, une grosse averse de grêle se mêle à la fête et nous accompagne pendant un peu plus d'une heure. On a juste le temps de passer les très saillants vêtements de pluie fournis par l'agence, ils nous seront bien utiles même si on ressemble à des sacs poubelles ambulants ! On devait manger dehors mais le mauvais temps nous oblige à continuer un peu plus loin jusqu'à une première ferme où le paysan nous accueille au coin de son feu dans sa cuisine. On reprend des forces, la grêle cesse et on se remet en marche pendant 2 heures jusqu'à la finca Berlin, où nous sommes accueillis par Maria. Le confort est sommaire mais nous n'y passons qu'une nuit. C'est difficile d'imaginer que des personnes vivent ici dans ces conditions à l'année. Un autre groupe dort également ici et on partage un bon repas tous ensemble avec un verre de vin chilien. Tout le monde se réfugie assez vite dans son lit sous les couvertures (la température la nuit flirte facilement avec 0°C). Au réveil, on apprend que la partie du parc que l'on a faite la veille est désormais fermée ! Le Nevado del Ruiz, un autre volcan, présente une activité importante. Pas de souci pour nous puisqu'on va dans l'autre direction, on peut continuer sans souci. On a été chanceux dans le timing !

On se met en route vers 7h30 pour 22 km, objectif le Paramillo del Quindio à 4700 mètres d'altitude. Le terme paramillo désigne un ancien glacier qui a perdu toute sa glace. Celui là est devenu rocher dans les années 1950. Pour y parvenir, on traverse encore et encore des champs de frailejones et on se régale de paysage ! A son approche, on sent e souffle un peu plus court et l'environnement change et tout devient rocailleux. Malheureusement, la brume est de la partie et on ne voit absolument rien ! Le guide nous propose de nous arrêter un peu avant le sommet, à 4650 mètres, car la fin de l'ascension ne vaut pas la peine dans ces conditions. On redescend donc en direction de notre deuxième hébergement, la finca Argentina. Les nuages ont disparu et la fin du trajet se fait sous le soleil et de nouveau à travers les frailejones. On a le parc pour nous, on ne croise absolument personne de la journée. C'est une sensation incroyable d'avoir cette immensité à disposition et on se sent privilégié de pouvoir expérimenter une telle quiétude.

Si le confort était basique à la finca Berlin, il l'est encore plus ici ! La propriétaire refuse que les touristes rentrent dans la cuisine, le seul endroit où on aurait pu se réchauffer autour du feu ! On prend donc notre repas dehors. Il est lui aussi plus basique que celui de la veille : soupe de pommes de terres, riz, pommes de terre et œufs. On a cette fois ci la ferme pour nous tout seul. Dans la journée, les autorités du parc ont en effet décidé de le fermer totalement. Les groupes présents dans le parc peuvent sortir mais personne ne peut entrer. En gros, ils profitent de l'activité du volcan pour observer une période de restauration et de préservation de la végétation. La fermeture pourrait durer 3 mois selon Pablo ! On a vraiment eu de la chance :) Après le repas, le froid a raison de nous et tout le monde est au lit à 19h30. Il nous faudra 4 couvertures pour passer une nuit au chaud !

Le denier jour, le programme est beaucoup plus léger avec "seulement" 10km jusqu'à la vallée de la Cocora, célèbre pour ses palmiers de cire. On sent les organismes fatigués des efforts des deux premiers jours, la descente sollicite pas mal les genoux ! On aperçoit rapidement nos premiers palmiers, emblème national de la Colombie et plus haut arbre du monde. On rencontre également des eucalyptus et des pins et notre guide nous explique que ces deux espèces ont été introduites au détriment du palmier pour leur pousse rapide et leur utilité dans le bois de chauffe et de construction. Il compare la vallée de la Cocora à un cimetière de palmiers de cire… La descente se poursuit et nous voilà sortis du parc national. On croise de nouveaux plusieurs groupes de touristes et le retour à la réalité est brutal ! On passe de trois jours d'une extrême tranquillité, sans signal et juste entre nous, à des hordes de gens venant voir les palmiers. On rentre en plus dans la semana santa, très appréciée des Colombiens pour quelques jours de repos. On est curieux de voir ce que ça va donner !

A la sortie de la vallée de la Cocora, une jeep nous attend pour rejoindre la ville de Salento, où on partage un dernier déjeuner tous ensemble. On a vraiment passé trois jours incroyables dans Los Nevados. C'est clairement la randonnée qu'on a préféré depuis que nous sommes ici. On ne s'était rarement, voire jamais, sentis autant coupés du monde, autant à l'écart de l'agitation. Le temps est suspendu dans ce parc, il s'en dégage une quiétude absolue. On est tombé en amour pour les frailejones, notre guide Pablo était génial et nos camarades de marche très cools. On devrait d'ailleurs les recroiser dans les jours qui viennent, tout le monde restant un peu à Salento. De notre côté on y pose nos sacs pendant une semaine et on va rayonner depuis ici dans la zona cafetera pour continuer de la découvrir.